Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/183

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plus éloignés qu’hier de l’entente que je cherche à établir entre eux. Briand, Millerand et Delcassé ont de nouveau délibéré tous trois ensemble et ils semblent de moins en moins favorables aux offres de Viviani. Ils croient le ministère condamné à une mort prochaine ; ils voudraient en reconstituer un plus fort ; ils ne me disent pas sous quelle présidence. Viviani propose à Millerand de dédoubler le ministère de la Guerre et de lui en confier toute la partie administrative, fabrication de matériel, approvisionnements, armement. Millerand répond à cette ouverture par un silence obstiné. Viviani offre à Briand le portefeuille de l’Instruction publique. Mais Briand, qui l’a détenu avec éclat pendant la paix, ne se soucie pas de le reprendre en temps de guerre. Delcassé, redevenu muet, s’associe par de graves mouvements de tête aux objections de ses collègues.

Sur les entrefaites, le parti socialiste, consulté par Marcel Sembat, vient de faire connaître sa décision : « Nous soutiendrons le cabinet, quoi qu’il arrive ; mais, dans les circonstances présentes, nous ne croyons pas pouvoir lui refuser un concours plus effectif. Nous exprimons seulement le vœu que deux portefeuilles soient réservés à notre parti et qu’ils soient confiés à MM. Jules Guesde et Sembat. »

Cette communication, faite par M. Malvy, pendant que Millerand, Delcassé et Briand se trouvent réunis dans mon cabinet, affaiblit sensiblement la résistance de ce dernier. Mais Delcassé, au contraire, accentue son opposition et objecte : « On nous traitera avant peu de conseil aulique. » Millerand demeure immobile comme une statue et impénétrable comme un sphinx.