Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/226

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cette mesure, si elle était prise avant que le Conseil eût décidé de quitter Paris. Longue discussion téléphonique. Finalement, il est convenu que le décret ne paraîtra à l’Officiel que si le gouvernement est forcé de s’éloigner. Sur la proposition de Guesde et de Sembat, il est également précisé que, le cas échéant, ce décret sera motivé par l’impossibilité de convoquer intégralement les deux Chambres, une partie de leurs membres étant sous les drapeaux. « De toute évidence, me dit Viviani, c’est Clemenceau qui a mis Dubost en mouvement. » Possible ; mais à l’occasion Dubost sait bien se mouvoir tout seul.

Pendant que s’achève sans trop de dommage cette petite bataille de l’arrière, un moteur ronfle bruyamment dans le ciel. C’est un avion allemand qui survole Paris. Il jette trois bombes qui éclatent sur le quai de Valmy et dans la rue des Vinaigriers. Il y a eu un mort et trois blessés. L’aviateur a lancé, en même temps, une sorte de proclamation, assez ridicule, où il notifiait aux Parisiens qu’ils n’avaient plus qu’à s’enfuir, les Allemands étant, comme en 1870, aux portes de la capitale. Bien qu’immédiatement rapporté par la presse et connu de tous, cet incident ne cause aucun émoi dans la population, dont le calme reste vraiment admirable. Les députés et les conseillers municipaux de Paris commencent cependant à s’inquiéter du sort de la ville. D’ardents patriotes, comme M. Galli, voudraient qu’on armât les habitants en vue d’une guerre des rues. Mais quelles occasions de vengeance et de dévastation ne serait-ce pas fournir aux Allemands ?

…Et toujours la même petite lueur qui scintille à l’orient de l’Europe: le général de Laguiche