Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/350

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qui lui ait été fait par les officiers ennemis, c’est d’avoir défendu avec trop de fermeté et trop de présence d’esprit les droits de ses concitoyens molestés.

Le préfet du Nord nous rend compte qu’il est allé avant-hier à Orchies, pauvre ville brûlée vendredi dernier par les Allemands. Sur douze cents maisons, il n’en a été épargné qu’une centaine : l’hôtel de ville et l’église sont détruits.

Le baron Guillaume, ministre de Belgique, vient me voir, tout éploré. Il a été chargé par son gouvernement de nous demander notre aide pour Anvers, qui serait très menacé. Nous avons, en effet, reçu de M. Klobukowski, hier et aujourd’hui, une série de télégrammes assez alarmants14. Les Allemands ont repris, avec des obusiers de 36, l’attaque des forts de Waelhem et de Wavre-Sainte-Catherine, et ils l’ont étendue à tout le front sud-est jusqu’à Lierre. Aucun de ces forts ne semble capable de résister à l’artillerie lourde. Si la première enceinte défensive était forcée, le gouvernement belge aurait l’intention de se replier sur Ostende, avec l’armée de campagne actuelle, qui comprend de 60 à 70 000 hommes. La garnison resterait dans la place et y tiendrait aussi longtemps que possible contre les assiégeants.

Je convoque Viviani, Millerand, Delcassé. nous tombons aisément d’accord. Il nous parait impossible de demander à Joffre de désorganiser notre front en ce moment, alors que nous nous trouvons à peine à forces égales en face de l’ennemi et que celui-ci paraît devoir, prochainement encore, recevoir de nouveaux contingents. Il est cependant nécessaire que nous tendions la main à la Belgique qui s’est montrée si brave et si loyale. Il conviendrait donc d’examiner rapidement si l’on ne peut envoyer du Havre à Ostende la division territoriale, sous les ordres d’un général tel que Pau ou Lanrezac, ou même d’un général anglais. Il faudrait, en outre, demander un concours immédiat à l’Angleterre. Delcassé va voir Bertie ; Millerand va causer avec Pau et avec Lanrezac, qui sont l’un et l’autre à Bordeaux15.



13. N° 474.
14. Nos 470, 473, 475, 476, 477, 479, 480.
15. Voir Le Déblocus d’Anvers, par le major E. Menzel, ancien directeur à l’état-major de l’armée belge. Berger – Levrault, 1928, p.64 et suiv.