Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/376

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au G. Q. G. Millerand y a spontanément fait expliquer pourquoi elle n’a pas eu lieu plus tôt. « Depuis le début des hostilités, est-il dit, le président de la République avait exprimé l’intention de rendre visite aux armées et de leur apporter ses félicitations. Il en avait été empêché, tantôt par la nécessité de présider quotidiennement le Conseil des ministres, tantôt sur le désir de l’autorité militaire, qui ne jugeait pas le moment favorable à la réalisation de ce projet. Les circonstances permettant aujourd’hui ce déplacement, M. Poincaré a quitté Bordeaux dimanche après-midi, etc. » On a donc ajourné ma venue parce qu’on a craint que la présence officielle du président de la République ne fût encombrante et ne gênât les opérations. Très bien. Mais est-il nécessaire de donner à des démarches aussi naturelles qu’une visite aux armées le moindre caractère de solennité et ne peuvent-elles s’accomplir désormais silencieusement, en simple témoignage de sollicitude à nos troupes ? Je saurai bien m’arranger à l’avenir pour qu’il en soit ainsi.

Dès le début de la matinée, Millerand vient me chercher à l’Élysée. Il est accompagné du général Gallieni, dont la haute taille, l’allure élégante et fine, la belle tenue militaire sont, depuis notre départ, devenues très familières à la population parisienne. Je le retrouve tel que je l’ai quitté, le regard volontaire et pénétrant derrière l’immuable binocle, l’esprit méthodique, le langage sobre et précis. Ses soixante-cinq ans et ses fatigues coloniales, qui ont légèrement altéré sa santé, ont laissé intactes sa belle intelligence et sa force morale. Il suffit de causer quelques instants avec lui pour sentir qu’on est en présence d’un véritable chef.