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Vendredi 16 octobre

Je commence à recevoir des lettres, le plus souvent anonymes, de reproches et d’injures. On m’accuse de lâcheté. J’ai quitté Paris par peur et la peur m’empêche d’y revenir. Les incursions des taubes troublent sans doute l’esprit de mes correspondants. Mai» précisément, pour peu qu’il y ait quelque émotion dans la population parisienne, le gouvernement et moi, nous devrions être auprès d’elle. On ne peut plus prétendre maintenant que notre présence à Paris attirerait les Allemands. D’autre part, la lenteur des opérations et l’insignifiance des succès obtenus en ces dernières semaines découragent beaucoup de gens qui, au lendemain de la bataille de la Marne, avaient conçu l’espérance d’une prochaine et définitive victoire. Un de mes vieux amis du Palais, qui excelle à résumer avec humour l’opinion courante, Jullemier, écrit à Félix Decori : « La cote de Joffre et celle du président ont beaucoup baissé, parce qu’on s’attendait à ce que Poincaré rapportât la victoire du quartier général. »

Mais je ne puis encore arracher à l’ensemble du Conseil des ministres le consentement à un retour collectif. Il est seulement décidé qu’en attendant cette heure toujours retardée, les membres du. gouvernement se succéderont à Paris pour s’y relayer. Briand, qui supporte avec impatience l’impopularité dont nous nous enveloppons de gaieté de cœur, s’offre à partir de nouveau. Il est convenu qu’il fera le voyage avec Albert Sarraut et qu’ils le prolongeront jusqu’aux armées de l’Est.

Le « téléphonage » du G. Q. G. est aussi laconique et aussi vide que les précédents. Nous avons légèrement