Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/438

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me disent : « Soyez tranquille, monsieur le président, nous les délogerons, ces Boches ! » Les Boches, c’est le mot dont nos hommes commencent à se servir pour désigner les Allemands. Le général de Castelnau, qui a toujours dans son auto des provisions de cigarettes, en fait à ces blessés une distribution copieuse. De Lignières, nous voyons à l’œil nu nos pièces de 75 en batterie, les maisons d’Andechy qui brûlent, les éclatements des obus allemands et, là-bas, des fantassins qui sortent d’un bois et qui s’avancent sous le feu. Au premier plan, se détachent sur ce sinistre fond de tableau un paysan qui pousse sa charrue et une femme qui ramasse des betteraves : la vie qui défie la mort.

Nous revenons à Paris par Montdidier, où je visite l’ambulance de la gare, et par Creil, dont plusieurs quartiers ont été ravagés par l’incendie.


Jeudi 5 novembre

Je passe la journée à Paris. Je reçois le préfet de la Seine, M. Delanney, qui me dénonce des intrigues qui se mèneraient, dit-il, contre Joffre, autour de Gallieni, mais il ne me donne aucune précision qui soit de nature à me frapper. M. David Mennet, président de la Chambre de commerce, me soumet un plan de propagande par tracts et par journaux que ses collègues et lui ont dressé à destination des pays neutres, pour répondre aux campagnes allemandes. M. Varenne, député socialiste, mobilisé comme, lieutenant, me raconte de spirituelles anecdotes sur la censure, à laquelle il a été attaché.

Comme conclusion de notre voyage aux armées, j’adresse au ministre de la Guerre une lettre de