Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/454

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par avions et par zeppelins. Le gouverneur se plaint de n’avoir pas reçu le complément de garnison qu’il a réclamé. Mais les troupes sont sur le front.

À la fin de la journée, revient dans mon cabinet, la figure décomposée, cet être loyal et charmant, mais ombrageux et facilement énervé, qu’est le président du Conseil : « Monsieur le président, me crie-t-il à brûle-pourpoint, je vous apporte ma démission. — Qu’est-ce à dire ? — C’est-à-dire que Briand me démissionne. Avez-vous lu l’entrefilet ? » Et il me tend le Matin, qui paraît le soir dans une édition bordelaise et qui reproduit une note parisienne de l’Agence Havas. Je lis : « M. Aristide Briand, vice-président du Conseil des ministres, restera à Paris une huitaine de jours. Pendant ce temps, il donnera aux différentes questions qui ont été récemment soumises à M. Vi-viani une solution définitive. Ces questions intéressent Paris et la banlieue parisienne et les départements envahis… Dans la journée d’hier, M. Briand a eu différents entretiens avec des personnalités politiques et militaires. » — « Eh ! bien ? » dis-je. — « Eh ! bien, j’ai téléphoné à Briand. Il se défend d’avoir inspiré cet entrefilet, mais il n’est pas possible qu’il ne l’ait pas provoqué. J’en ai assez. Je vous remets ma démission. — Je ne l’accepte pas. À l’heure présente, vous avez, vous et vos collègues, le devoir de donner l’exemple de l’union. » Pendant une heure encore, cependant, le président du Conseil s’est plaint au garde des Sceaux : « Briand ne laisse pas, me dit-il, échapper une occasion de se pousser au premier rang et de rabaisser l’action de ses collègues. » J’essaie vainement de calmer Viviani.