Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/472

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longue à gagner ; mais nous la gagnerons. Les Allemands ont perdu la partie qu’ils avaient conçue et préparée. Ni Joffre ni Foch ne croient possible la nouvelle attaque massive que redoute lord Kitchener.

Il y a cependant de nouveaux mécomptes dans la fabrication. Mais Joffre n’en est pas très ému, parce qu’il est forcé, avant toute opération nouvelle, d’attendre, pendant quinze jours ou trois semaines, des engins récemment inventés et destinés à détruire les réseaux de fils de fer ou à bouleverser les tranchées : bombes explosives, canons porte-amarres ou porte-grappins.

Déjeuner à la « popote » du G. Q. G., dans la villa bourgeoise, où Joffre s’endort tous les soirs du sommeil de Condé. Puis, départ de Romilly pour Châlons-sur-Marne, où nous rencontrons le général de Langle de Cary, qui commande la 4e armée, et le général Dalstein, qui commande la 6e région. Le général Dalstein est resté aussi jeune et aussi élégant que je l’ai connu il y a vingt ans à l’Élysée. Le général de Langle de Cary est, lui aussi, un chef de très belle allure. Il venait dépasser au cadre de réserve, lorsque la guerre a éclaté. Il a été immédiatement rappelé à l’activité en qualité de commandant d’armée. Dans sa jeunesse, il était officier d’ordonnance du général Trochu et il a eu la poitrine traversée par une balle, le 19 janvier 1871, à la bataille de Buzenval. Il est très apprécié du général Joffre. Il n’a pas d’inquiétude sur son front, qui, dit-il, est solide : quelques préoccupations seulement du côté de l’Argonne, où les Allemands sont plus mordants qu’ailleurs. Je lui remets, devant les troupes, mais sans intermède oratoire, le grand cordon de la Légion d’honneur.

À