Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/522

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matériel de siège suffisant, à des retranchements imprenables. Je ne cache pas mes appréhensions à Joffre, mais il ne croit pas pouvoir laisser les Russes exposés à une poussée trop forte.

Pour la première fois depuis de longues semaines, le Conseil des ministres se tient à l’Élysée, dans la salle ordinaire de ses séances. Millerand expose qu’à la.demande de Kitchener sur le déplacement de l’armée britannique, Joffre a répondu : « Je n’ai pas d’objection de principe contre ce mouvement, mais je ne le crois pas possible aujourd’hui et je désire qu’on l’ajourne. » Kitchener se préoccupe surtout de donner satisfaction à l’opinion de ses compatriotes, qui comprendront mieux que l’armée britannique combat pour l’Angleterre, si elle ne s’éloigne pas des côtes. Sans se sentir convaincu par des raisons stratégiques de cette sorte, Joffre, bon enfant, a laissé espérer à Kitcbener que l’offensive prochaine serait un acheminement vers le dispositif que souhaite l’Angleterre.

Millerand fait part au Conseil des conversations qu’il a eues hier avec Joffre et Gallieni et de celle que nous avons eue tous les trois ce matin. Gallieni ne s’oppose pas à ce qu’on prenne trois divisions et demie de territoriale au camp retranché de Paris pour les porter en avant et Joffre ne s’oppose pas à ce que Gallieni reste jusqu’à nouvel ordre gouverneur de Paris. Maunoury conserverait, lui aussi, pour le moment, le commandement de son armée. On attendrait ainsi que Gallieni lui-même, jugeant son rôle diminué, exprimât le désir d’obtenir un poste de plus grande activité. Joffre lui offrirait alors le commandement de l’armée des Vosges et d’Alsace. En attendant, Paris resterait dans la zone des armées, mais dès maintenant,