Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/537

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lettré passionné. Il me parle, comme M. de Broqueville, du vif désir qu’a le gouvernement royal de ravitailler les populations civiles de la Belgique envahie et d’obtenir à cet effet des avances de fonds de la France et de l’Angleterre. Les États-Unis consentiraient, pense-t-il, à s’entremettre pour la distribution ou, tout au moins, à laisser un de leurs citoyens la régler et la contrôler. Nous souhaitons de tout cœur qu’une combinaison de cette sorte puisse aboutir, mais elle est encore à l’état de devenir.

La Russie célèbre, en ce moment, avec solennité, le vingtième anniversaire du règne de l’empereur Nicolas II. À la nouvelle de ces fêtes commémora-tives, deux souvenirs m’assiègent l’esprit. Je revois le tsar arrivant pour la première fois à Paris en 1896, pâle, timide, embarrassé par son inexpérience impériale ; je me rappelle nos dernières conversations du mois d’août, si pleines encore d’illusions sur la solidité de la paix. J’envoie un télégramme de félicitations à Nicolas II et je lui exprime l’espoir qu’il pourra célébrer son prochain anniversaire dans la joie d’une victoire commune. Il me répond qu’il a, lui aussi, la plus grande confiance dans le succès des armées alliées. Par malheur, nos mutuelles assurances ne donnent pas, dès maintenant, aux Russes les munitions qui, d’après les dernières informations du général de Laguiche, leur font « totalement » défaut17.

C’est également faute de moyens que le général Joffre a dû renoncer à l’une des deux attaques principales que prévoyait son instruction n° 8 du 8 décembre. Il a cependant confirmé ses ordres