Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/541

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À la Chambre, les sièges de MM. Goujon, député de l’Ain, Mortier, député de Neuilly-sur-Seine, Proust, député de la Savoie, tombés au champ d’honneur, étaient drapés de crêpe et ornés d’une écharpe tricolore. La travée où avait siégé Jaurès était vide. M. Paul Deschanel, président, a prononcé un magnifique discours, dont l’affichage a été voté : « Représentants de la France, s’est-il écrié, élevons les âmes vers les héros qui combattent pour elle. Jamais la France ne fut plus grande, jamais l’humanité ne monta plus haut… Il semble qu’en cette heure divine la patrie a réuni toutes les grandeurs de son histoire : vaillance de Jeanne la Lorraine et enthousiasme des guerres libératrices de la Révolution, modestie des généraux de la première République et confiance inébranlable de Gambetta, édit de Nantes éteignant les discordes civiles et nuit du 4 août effaçant les inégalités sociales. » Deschanel, qui était dans l’un de ses meilleurs jours, a marqué, en outre, le sens profond de la guerre : « Il s’agit de savoir si la matière asservira l’esprit et si le monde sera la proie sanglante de la violence. Mais non ! La politique, elle aussi, a ses lois immuables. Chaque fois qu’une hégémonie a menacé l’Europe, une coalition s’est formée contre elle et a fini par la réduire… Les peuples entendent disposer librement d’eux-mêmes. Demain, après-demain, je ne sais ! Mais ce qui est sûr, — j’atteste nos morts, — c’est que tous, jusqu’au bout, nous ferons tout notre devoir pour réaliser la pensée de notre race : le droit prime la force. »

Viviani a ensuite donné lecture de la déclaration ministérielle. « Il n’y a pour l’heure, a-t-il dit, qu’une politique : le combat sans merci jusqu’à la