Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 6, 1930.djvu/243

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d’une crise cardiaque. Encore un excellent ami qui disparaît : Revoil, Roujon, Adrien Bernheim, Pelletier… Le vide s’étend autour de moi.

Samedi 29 mai.

Millerand va voir Joffre et tâcher de le déterminer à laisser plus de liberté aux commandants des trois groupes d’armée qu’il se propose de former, c’est-à-dire à Foch, Dubail et Castelnau.

Conseil des ministres très morose. Un peu de pessimisme est entré dans les esprits. L’opération d’Arras languit. Tous les membres du cabinet se demandent quand on entreverra l’issue de cette guerre de siège qui se prolonge dans l’immobilité. Il y a quelques semaines, lorsque Joffre a déjeuné avec eux à l’Élysée, il leur avait fait espérer que la guerre serait terminée en juin. Aujourd’hui, la fin paraît s’éloigner de plus en plus. Les Chambres s’émeuvent. Bokanowski, mobilisé comme officier, a écrit à Millerand qu’il avait l’intention de l’interpeller sur le travail de ses services depuis le début des hostilités et qu’il demanderait le comité secret. Viviani a été invité par le Conseil à poser contre cette motion la question de confiance.

Charles Humbert a, paraît-il, raconté au Sénat que deux bataillons se seraient rendus à l’ennemi en chantant l’Internationale, Tout le monde parle de la lassitude des troupes et, à force d’en parler, on fera si bien qu’on la créera.

Pendant ce temps, au Reichstag, Bethmann-Hollweg annonce que l’Allemagne entamera, s’il le faut, une campagne d’hiver. Fermeté et persévérance, là-bas. Ici, faudrait-il, hélas ! avoir à constater des symptômes de fatigue et de défaillance ?

Voici enfin, revu et corrigé, le télégramme du