Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 6, 1930.djvu/44

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lettre absolument irréprochable de l’archevêque de Paris. Mgr Amette avait spontanément pris soin de n’ordonner des prières qu’en faveur d’une « paix solide et durable », d’une paix fondée sur « le triomphe et le règne du droit ». Jules Cambon m’informe de l’étrange erreur commise par la censure ; je la signale à M. Malvy, qui, d’accord avec le président du Conseil, fait immédiatement rapporter cette mesure intempestive. L’archevêque de Paris, qui depuis son départ pour le conclave m’avait fait annoncer par Jules Cambon son intention de me rendre visite, m’avait précisément demandé audience pour le lundi 1er février. Il est arrivé à l’Élysée tout habillé de pourpre et tenant à la main sa barrette. Depuis de longues années un archevêque de Paris n’avait plus, je crois, paru à la présidence. Le cardinal Amette m’a très franchement expliqué que la prière composée par le pape lui avait immédiatement paru devoir être complétée et qu’il n’avait pas caché son sentiment à Rome. « Mais, me dit-il, il est bien fâcheux que nous n’ayons personne pour représenter la France auprès du Vatican. Le Saint-Père aurait été mis en garde contre une rédaction qui pouvait être mal interprétée. » Comme j’émettais l’opinion qu’il était peut-être difficile de rétablir l’ambassade en temps de guerre sans soulever des polémiques dangereuses, il l’a reconnu de bonne grâce et m’a donné l’assurance que les catholiques, tous bons patriotes, ne voulaient causer aucun embarras au gouvernement, qu’ils ne demandaient rien et ne songeaient qu’à sauver le pays. Il s’est exprimé avec beaucoup de simplicité, de confiance et de noblesse. En me quittant, il m’a dit : « Je forme les vœux les plus ardents pour la victoire de notre pays. J’espère qu’à ce moment je pourrai vous