Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 8, 1931.djvu/17

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diatement dans la ville et en visitons les quartiers les plus éprouvés, c’est-à-dire les rues voisines de la gare. Beaucoup de maisons ont été fortement endommagées ou même totalement détruites par les obus de 380. Comme la station du chemin de fer était certainement visée, la compagnie de l’Est a modifié son service de jour. Les trains continuent à traverser Nancy, mais ils ne s’arrêtent qu’en deçà et au delà, à Champigneulles ou à Jarville. Quinze mille personnes environ sont parties par chemin de fer ; à peu près autant, en voiture ou à pied.

Je vais, tout d’abord, à l’hôpital civil, où se trouvent les blessés. M. Krug, président de la commission administrative, M. Jambois et la sœur Louise m’en font les honneurs. Une pauvre vieille femme, qui a la figure ravagée, me répète : « Je vais bien, je vais bien. L’essentiel est qu’il n’y ait pas d’autres victimes après moi. » Deux petits enfants m’offrent des bouquets blancs, roses et lilas, sous lesquels ils sont écrasés dans leurs berceaux. Heureusement, leurs blessures sont légères. Je leur laisse de petits souvenirs et je remets au maire quelques milliers de francs pour les sinistrés.

MM. Krug, Simon et Jambois me signalent les services éminents rendus depuis le début de la guerre par la sœur Louise, son respect scrupuleux pour la liberté de conscience de ses malades, la reconnaissance et l’affection unanime dont elle est entourée à Nancy. Le général Deprez appuie ces témoignages et, détachant de son dolman la croix de guerre, il me la présente en me prient de la décerner à la sœur. Je l’épingle immédiatement sur le corsage de cette vaillante femme.