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Page:Poincaré - Comment fut déclarée la guerre de 1914, Flammarion, 1939.djvu/142

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RAYMOND POINCARÉ

s’est pas encore décidé à intervenir et, s’il intervient, il paraît certain que ce ne sera pas sur terre. Si MM. Asquith et Churchill étaient seuls avec sir Ed. Grey, les choses iraient autrement, mais, de plus en plus, ils ont à compter avec les résistances de certains de leurs collègues.

Pendant ce temps, M. Dumaine nous télégraphie qu’il a l’impression que la chancellerie allemande a pris en main la direction de la politique austro-hongroise. En réalité, ce n’est pas la chancellerie, c’est l’État-major allemand qui a pris cette direction. On a vu que, le 30, un peu avant minuit, M. de Bethmann-Hollweg a télégraphié à Tschirschky de ne pas communiquer à Vienne les conseils de modération précédemment envoyés et que le champ a été laissé libre au général de Moltke. Le 31, le Conseil des ministres, réuni à Vienne, pour examiner les propositions anglaises, a refusé d’arrêter les troupes d’invasion à Belgrade. François-Joseph a télégraphié à Guillaume II : Un nouveau sauvetage de la Serbie par une intervention russe entraînerait pour mes États les conséquences les plus sérieuses et il m’est, en conséquence, impossible d’admettre une pareille intervention. J’ai conscience de la portée de mes résolutions. Le comte Berchtold a, à son tour, déclaré que la cessation des hostilités commencées contre la Serbie était impossible et qu’accepter la proposition anglaise, ce serait avoir travaillé pour rien. Il fallait en finir, une fois pour toutes, avec la Serbie. Derechef, la bonne volonté de sir Ed. Grey se brise contre la mauvaise volonté de l’Autriche.

De son côté, M. Jules Cambon nous avertit qu’on distribue dans les rues de Berlin des éditions spéciales des journaux, annonçant que la mobilisation générale de la flotte et de l’armée est ordonnée et que le premier jour de la mobilisation est le dimanche 2 août.

Tous ces refus de Vienne, tous ces mouvements de troupes ne découragent cependant ni les tentatives de conciliation de l’Angleterre ni les nôtres. Sur la fin de l’après-dîner, sir Francis Bertie me demande audience et, d’ordre de son gouvernement, me communique cette note :

Vous demanderez immédiatement une audience au Président pour lui communiquer le télégramme suivant adressé par le roi George V à l’empereur de Russie :

Mon gouvernement a reçu la déclaration suivante du gouvernement allemand : « Le 29 juillet, l’empereur de Russie a demandé par télégramme à l’empereur d’Allemagne d’offrir sa médiation entre la Russie et l’Autriche. Le Kaiser déclara aussitôt qu’il y était prêt : il télégraphia au Tsar et fit la démarche demandée à Vienne. Sans attendre le résultat de cette intervention, la Russie mobilisa contre l’Autriche. Par télégramme, le Kaiser fit savoir à l’empereur d’Autriche[1] que par là son effort de médiation serait rendu presque illusoire. Le

  1. Lapsus évident, pour « empereur de Russie ».