Page:Poincaré - Comment fut déclarée la guerre de 1914, Flammarion, 1939.djvu/143

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
133
COMMENT FUT DÉCLARÉE LA GUERRE DE 1914

Kaiser demandait, en outre, au Tsar de suspendre ses opérations militaires contre l’Autriche[1]. Ceci ne fut pas fait. Néanmoins le gouvernement allemand poursuivit sa médiation à Vienne. Sur ce point, le gouvernement allemand est allé à l’extrême limite de ce qui peut être suggéré à un État souverain qui est l’allié de l’Allemagne. Les propositions faites à Vienne par le gouvernement allemand étaient entièrement conçues d’après les grandes lignes suggérées par l’Angleterre et le gouvernement allemand les appuya à Vienne ce matin[2]. Pendant les délibérations du cabinet et avant leur fin, l’ambassadeur d’Allemagne à Pétersbourg annonça la mobilisation générale de l’armée et de la flotte russes. Étant donnée cette action de la Russie, la réponse autrichienne aux propositions allemandes de médiation, qui étaient encore en discussion, ne fut pas donnée[3]. Cette action de la part de la Russie est aussi dirigée contre l’Allemagne, c’est-à-dire contre la Puissance dont la médiation a été invoquée par le Tsar. Nous avons été obligés de répondre par de sérieuses contre-mesures à cette action que nous devions considérer comme hostile, si nous ne voulions pas mettre en danger la sécurité de notre pays. Il ne nous est pas possible de rester inactifs en face de la mobilisation russe sur notre frontière. Nous avons donc informé la Russie qu’à moins qu’elle ne soit préparée à suspendre dans un délai de douze heures les mesures d’apparence guerrière contre l’Allemagne et l’Autriche nous serions obligés de mobiliser et que ceci signifierait la guerre[4]. Nous avons demandé à la France si elle observerait la neutralité pendant une guerre russo-allemande. » Je ne puis m’empêcher de penser que quelque malentendu a produit cet arrêt (point mort). Je suis particulièrement anxieux de ne laisser échapper aucune possibilité d’écarter la terrible calamité qui à présent menace le monde entier. En conséquence, je fais un appel personnel à Vous pour écarter le malentendu que je sens s’être produit et pour laisser encore ouvert un terrain pour la négociation et la paix possible. Si vous croyez que je puis, en quelque façon, contribuer à ce si important objet, je ferai tout ce qui sera en mon pouvoir pour aider à la réouverture des conversations interrompues entre les Puissances intéressées. J’ai la ferme confiance que Vous êtes aussi désireux que moi-même que tout ce qui est possible soit fait pour assurer la paix du monde. Signé : George I. et R.

Je communique cette note à M. Viviani et il est d’accord avec moi pour approuver cette nouvelle initiative et pour s’y associer, comme à toutes les précédentes. Le Tsar est, du reste, allé au-devant du roi d’Angleterre, puisque, dans l’après-midi, dès 14 h. 6, il a télégraphié au Kai-

  1. Il n’y avait eu, bien entendu, aucune opération contre l’Autriche.
  2. On a vu combien les démarches du chancelier avaient été tardives et comment M. de Moltke avait agi en sens opposé.
  3. L’Autriche ignorait au contraire la mobilisation russe, lorsqu’elle a repoussé les propositions anglaises, transmises par l’Allemagne.
  4. Ce dernier membre de phrase n’avait été communiqué par l’Allemagne ni à la Russie ni à la France.