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CHAPITRE III


VAGUES NOUVELLES DE L’ULTIMATUM AUTRICHIEN. — ARRIVÉE À STOCKHOLM. — JOURNÉE DE FÊTES, JOURNÉE D’ANXIÉTÉ. — DÉPART POUR COPENHAGUE. — LES ANGOISSES DE LA TRAVERSÉE. — 25 ET 26 JUILLET. ISOLÉS DE LA TERRE. — CE QUE NOUS NE SAVONS PAS. — M. DE SCHŒN AU QUAI D’ORSAY.


L’allure réglée à quinze nœuds, la France fait route dans la nuit vers la sortie du golfe de Finlande. Doucement bercé par un roulis presque imperceptible, je me suis endormi dans la complète ignorance de l’ultimatum autrichien. Nous sommes encore loin de la Baltique, lorsque je me lève. De mon appartement d’arrière, je sors pour respirer sur le pont.

Pour occuper les loisirs de la traversée, je lis des extraits de la presse parisienne arrivés à Pétersbourg par la valise et emportés par nous au départ. Le compte rendu des assises remplit les colonnes des journaux. Peu à peu, il nous arrive des radiogrammes incomplets, mais peu rassurants dans leur désordre et leur obscurité. Nous apprenons que l’Autriche a envoyé une note comminatoire à la Serbie et qu’elle a réclamé, dans un délai de vingt-quatre heures, des satisfactions dont nous ne connaissons pas encore le détail. Attendre plusieurs semaines pour manifester ses exigences et demander qu’il y soit cédé presque immédiatement, c’est un procédé qui ne laisse pas de nous paraître brutal. Ce n’est que par morceaux que la télégraphie sans fil nous révèle le contenu de la note autrichienne.

Le gouvernement austro-hongrois se plaint que la Serbie, après avoir reconnu en 1909 l’annexion de la Bosnie-Herzégovine, ait persisté à faire dans cette province de la propagande contre la monarchie dualiste. Il prétend avoir la preuve que des officiers serbes se sont prêtés à l’organi-