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COMMENT FUT DÉCLARÉE LA GUERRE DE 1914

officiel, paraît très accentuée… Elle donne à la Serbie jusqu’à samedi soir six heures pour s’exécuter. En transmettant vos instructions à M. Dumaine, je l’ai prié de se concerter avec ses collègues anglais et russe pour savoir si, dans quelle mesure et dans quelle forme, les ambassadeurs de la Triple-Entente estiment que la situation de fait présente leur permet d’agir sans nouvelles instructions de leur gouvernement.

Un peu plus tard, M. Bienvenu-Martin adresse à M. Thiébaut, qui nous le communique, un autre télégramme qui confirme ce que nous savons déjà par Saint-Pétersbourg sur la note autrichienne et qui en signale toute la gravité. Dans un radio du même jour, plus concis et envoyé à la France, M. Bienvenu-Martin dit à M. Viviani que les exigences contenues dans cette note « paraissent inacceptables pour la Serbie ».

Dans un autre télégramme encore, M. Berthelot nous informe que, suivant M. Dumaine, la soudaineté et l’exagération des demandes autrichiennes a surpris l’opinion viennoise, mais que le parti militaire semble craindre surtout que la Serbie ne cède. De son côté, M. Jules Cambon note que la presse allemande prend un ton menaçant et paraît vouloir intimider la Russie.

Les heures se succèdent, lourdes d’un présent mystérieux et d’un avenir inconnu. Les télégrammes affluent à la légation. En voici encore un de M. Bienvenu-Martin. Le ministre nous rend compte, avec plus de détails que M. Abel Ferry, de la visite de M. de Schœn au Quai d’Orsay. L’ambassadeur d’Allemagne a lu une note dont il n’a pas laissé copie et dont la première partie reproduit, sous une forme légèrement différente, l’argumentation de l’Autriche : manquement de la Serbie au respect des engagements pris en 1909, appui presque officiel qu’elle a prêté à une propagande anti-autrichienne intolérable pour la sécurité de la Monarchie. La note ajoute que seule une satisfaction immédiate donnée aux légitimes revendications de l’Autriche pourrait mettre fin à une pareille situation ; mais l’état d’esprit de la Serbie est tel qu’il est à craindre qu’elle ne refuse ces satisfactions et ne prenne même une attitude provocatrice. Dans ce cas, l’Autriche, déclare l’Allemagne, pourrait être amenée à exercer sur la Serbie une forte pression, par toutes les mesures utiles, au besoin par des mesures militaires. Le gouvernement allemand estime que l’affaire doit être réglée exclusivement entre l’Autriche-Hongrie et la Serbie et que les Puissances ont le plus grand intérêt à la restreindre aux deux parties intéressées ; il désire ardemment, déclare-t-il, « que le conflit soit localisé, toute intervention d’une autre puissance devant, par le jeu des alliances, provoquer des conséquences incalculables ». C’est le mot déjà rapporté par M. Abel Ferry. L’ambas-