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COMMENT FUT DÉCLARÉE LA GUERRE DE 1914

tions ayant fait allusion aux événements qui se préparent en Orient, l’assemblée tout entière, à l’exception des socialistes, s’est livrée à une manifestation de sympathie à l’égard de la monarchie austro-hongroise. Notre ministre à Munich, M. Alizé, qui rend Compte de cet incident à M. Bienvenu-Martin (25 juillet), ajoute que l’opinion bavaroise sera unanime à approuver toutes les résolutions que prendra la chancellerie impériale, même les plus extrêmes. Notre consul général à Francfort, M. Ernest Ronsin, écrit, lui aussi, le 25 : La presse approuve sans réserve l’attitude du Ballplatz et déclare que l’Allemagne soutiendra l’Autriche, — aussi bien la Gazette de Francfort, journal pondéré, et même la feuille populaire, la Volkszeitung, que les ardentes Frankfurter Nachrichten. Seule, la Volkstimme tient un langage raisonnable. Elle s’élève contre la note autrichienne, « véritable atteinte au droit des gens », et déclare que « la rédaction même de ce document, destiné à blesser au plus haut point l’amour-propre des Serbes, est une preuve manifeste de l’intention bien arrêtée de l’Autriche de provoquer quand même un conflit ».

Cette attitude de l’Allemagne préoccupe beaucoup M. Jules Cambon. Le 25 juillet, il rapporte à M. Bienvenu-Martin que M. de Jagow s’est arrangé pour retarder jusqu’à la fin de l’après-midi, c’est-à-dire jusqu’à l’heure où l’ultimatum autrichien venait à échéance, le rendez-vous demandé par M. Broniewski, chargé d’affaires de Russie, qui avait mandat de solliciter la prolongation du délai. M. de Jagow a déclaré qu’il considérait comme tardives toutes démarches de ce genre : « Du reste, a-t-il conclu, il ne s’agit pas d’une guerre, mais d’une exécution dans une affaire locale. »

M. Jules Cambon ajoute : Il résulte des renseignements qui me viennent de plusieurs côtés qu’évidemment l’Allemagne et l’Autriche croient que la Russie et la France sont retenues par les hésitations de l’Angleterre. De là vient peut-être l’espérance dont on fait preuve ici. Quelle que doive être l’issue de tout cela, Votre Excellence appréciera si, sans prendre des mesures publiques, il ne serait pas temps pour nos autorités militaires et maritimes de faire le nécessaire pour n’être pas surprises par les événements. M. Jules Cambon écrit encore : Le chargé d’affaires de Russie a recueilli, comme moi, le bruit que l’Autriche, qui déclare ne vouloir aucune annexion de territoire, occuperait des parties de la Serbie jusqu’à ce qu’elle eût complète satisfaction : « On sait, m’a-t-il dit, ce que signifie ce mot d’occupation ».

Tous ces télégrammes s’échangent pendant que la France suit sa route au murmure des vagues et il ne vient à nous, des chancelleries européennes, que des bruits confus.

Nous ignorons le télégramme adressé le 25 juillet au Ballplatz par l’ambassadeur d’Autriche à Berlin : On voit ici (à la Wilhelmstrasse)