Page:Poincaré - Comment fut déclarée la guerre de 1914, Flammarion, 1939.djvu/69

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
63
COMMENT FUT DÉCLARÉE LA GUERRE DE 1914

une effusion de sang, tous mes efforts seront dirigés vers ce but. Si, malgré notre plus sincère désir, nous n’y parvenons pas, Votre Altesse royale peut être certaine que la Russie ne restera pas indifférente au sort de la Serbie.

Nous ignorons que la Serbie a sagement cédé, sur les points essentiels, à l’ultimatum que M. Paul Cambon et tant d’autres diplomates expérimentés jugeaient inacceptables. La réponse serbe a été remise par M. Pachitch quelques minutes avant l’expiration du délai. Elle revêt une forme modérée, qui contraste avec celle de la note autrichienne. La Serbie consent à publier, dès le 26, au Journal officiel de Belgrade la déclaration qui lui est demandée. Elle promet de la communiquer également à l’armée par un ordre du jour, de dissoudre la Narodna et toutes autres sociétés susceptibles d’agir contre l’Autriche-Hongrie, d’arrêter et de punir les coupables, de modifier la loi sur la presse, de renvoyer de l’armée et des administrations civiles tous officiers, soldats et fonctionnaires dont la responsabilité dans la propagande serait établie. Le gouvernement serbe ne repousse même pas entièrement la participation d’agents austro-hongrois à l’enquête ; il exprime seulement le désir de savoir comment s’exercerait cette participation et se borne à dire qu’il ne pourrait pas accepter des mesures contraires au droit international et aux relations de voisinage ; il propose de communiquer, « dans des cas concrets », les résultats de l’instruction aux fonctionnaires autrichiens. Il conclut que, si le gouvernement austro-hongrois n’est pas satisfait de cette série de concessions, la Serbie est prête à s’en remettre à la décision de la Cour de La Haye ou à celle des grandes Puissances qui ont pris part à l’élaboration de l’acte du 31 mars 1909. Ce n’est pas là, sans doute, une capitulation pure et simple et le droit de l’Autriche serait de discuter les conditions et réserves que contient la réponse serbe. Mais Guillaume II lui-même, en lisant cette note, ne pouvait se défendre de penser que l’Autriche avait satisfaction sur tous les points importants, et c’était aussi l’avis de M. de Bethmann-Hollweg. Qu’importe ? L’Autriche s’est juré d’être intransigeante. Son ministre, le baron Giesl, tourne le dos à Belgrade, pendant que le gouvernement serbe, tout en décrétant la mobilisation, se retire à Nisch, où est convoquée la Skouptchina nationale, et pendant que l’Autriche elle-même mobilise vingt divisions, c’est-à-dire quatre cent mille hommes, qui doivent être dirigés sur la Serbie et marcher sur Kragoujewatz.

Nous ignorons à peu près tout de ces nouvelles et de ces documents. Nous ignorons même en grande partie ce qui se passe à Paris. La T.S.F. ne nous apporte le plus souvent que des phrases tronquées et incompréhensibles. Nos communications avec la terre paraissent systématiquement troublées ; et elles le sont, en effet, comme nous l’apprendrons