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RAYMOND POINCARÉ

ressait du conflit austro-serbe et que le comte Benckendorf aurait paru très découragé en quittant le Foreign Office. Ce télégramme a été arrêté par le chef de l’agence russe et il n’a pas été jusqu’ici reproduit par les journaux de Londres. L’ambassadeur de Russie l’a mis sous les yeux de sir Ed. Grey afin de lui montrer comment le bureau allemand de la presse travestit l’attitude de l’Angleterre. Il est bien évident que le parti de la guerre à Berlin cherche par tous les moyens possibles à convaincre le public de l’intention qu’aurait l’Angleterre de rester neutre. La décision concernant la flotte britannique, dont la démobilisation est arrêtée depuis cette nuit, contredit heureusement ces fausses nouvelles. C’est, en effet, la première mesure de précaution que prend le gouvernement anglais. La semaine précédente, le roi George a, comme on sait, passé à Spithead une revue des trois escadres composant les « Home fleets ». Les Home fleets avaient rejoint ensuite le mouillage de Portland et allaient être démobilisées. Dans la nuit du 26 au 27, l’ordre vient d’être donné de suspendre cette démobilisation. Il est à souhaiter que cette décision refroidisse un peu à Berlin l’ardeur nationaliste.

Mais l’Allemagne, qui lâche la bride à l’Autriche, et qui ne veut pas l’arrêter sur la pente fatale, cherche, en même temps, à nous séparer de la Russie. Après avoir reçu M. de Schœn le 26 et avoir courtoisement discuté la rédaction du communiqué désiré par l’ambassadeur, M. Philippe Berthelot avait donné à la presse une note ainsi conçue : L’ambassadeur d’Allemagne et le ministre des Affaires étrangères ont eu un nouvel entretien au cours duquel ils ont recherché les moyens d’action des Puissances pour le maintien de la paix. Mais M. de Schœn, qui connaissait la pensée de Berlin, ne s’est pas contenté de cette note anodine, qui n’était pas de nature à froisser la Russie. Dans la matinée du 27, il fait porter à M. Philippe Berthelot la lettre personnelle que voici :

Kaiserliche Deutsche Botschaft,
Paris, 78, rue de Lille.

Mon cher monsieur Berthelot, je crois vous être agréable en vous donnant un court résumé de ce que j’ai eu l’honneur de dire hier à M. le ministre. Notez bien la phrase sur la solidarité des sentiments pacifiques. Ce n’est pas une phrase banale, mais la sincère expression de la réalité.

Veuillez croire, cher monsieur Berthelot, à mes sentiments cordialement dévoués. Signé : Schœn.

Sur le deuxième feuillet, se trouve le résumé suivant :

Le cabinet de Vienne a fait formellement et officiellement déclarer à celui de Saint-Pétersbourg qu’il ne poursuit aucune acquisition territoriale en Serbie et