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RAYMOND POINCARÉ

Vains efforts. L’Allemagne se refusait toujours à retenir le cabinet autrichien. Il semblait qu’elle redoutât pour son propre prestige la seule apparence d’une atteinte au prestige de la monarchie alliée. Aussi continuait-elle à écarter délibérément tous les moyens pratiques de détourner l’Autriche d’une agression contre la Serbie. M. de Jagow répondait, le 27, à l’ambassadeur d’Angleterre et à M. Jules Cambon qu’il ne consentait pas à ce que les ambassadeurs d’Italie, de France et d’Allemagne fussent chargés de rechercher avec sir Ed. Grey une solution des difficultés pendantes, parce que, disait-il, ce serait instituer une véritable conférence pour traiter des affaires d’Autriche et de Russie. M. Jules Cambon insistait ; mais M. de Jagow se dérobait, en répétant que l’Allemagne avait des engagements envers l’Autriche. Elle voulait bien qu’on essayât de prévenir un conflit austro-russe, mais elle ne pouvait pas intervenir dans le conflit austro-serbe. Surpris de cette casuistique, M. Jules Cambon répondait : « L’un est la conséquence de l’autre, et il importe d’empêcher qu’il ne survienne un état de fait nouveau, de nature à amener une intervention de la Russie. » Puis, comme le secrétaire d’État persistait à dire qu’il était obligé de tenir les engagements de l’Allemagne envers l’Autriche, M. Jules Cambon lui demandait : « Êtes-vous donc engagé à la suivre partout, les yeux bandés ? Et n’avez-vous pas pris connaissance de la réponse de la Serbie à l’Autriche, que le chargé d’affaires de Serbie vous a remise ce matin ? — Je n’en ai pas encore eu le temps », répondait M. de Jagow et il maintenait son refus.


Mardi 28 juillet, — Voici notre dernier jour de navigation. Nous sommes entrés à l’aube dans la mer du Nord et nous filons sur Dunkerque.

La température a sensiblement baissé ; le ciel est gris ; il tombe par moments des ondées. Sur une mer un peu houleuse, la France tangue très légèrement.

Radiogrammes plus clairs. La proposition britannique y est mieux expliquée. Il s’agirait, pour les quatre Puissances désintéressées, d’intervenir, non seulement à Vienne et à Pétersbourg, mais aussi à Belgrade pour prévenir toute action militaire. On demanderait, par conséquent, à l’Autriche de surseoir à toute offensive contre la Serbie ; et l’on ne s’adresserait, en même temps, à Pétersbourg que pour permettre à l’Allemagne de renoncer à l’idée de circonscrire le conflit entre Vienne et Belgrade.

Après avoir conféré avec M. de Margerie, M. Viviani télégraphie à Paris qu’il accepte la proposition anglaise.