Page:Poincaré - La Science et l’Hypothèse.djvu/121

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nouvelles ne pourront-elles un jour nous conduire à les modifier ou même à les abandonner ?

Telles sont les questions qui se posent naturellement, et la difficulté de la solution provient principalement de ce que les traités de mécanique ne distinguent pas bien nettement ce qui est expérience, ce qui est raisonnement mathématique, ce qui est convention, ce qui est hypothèse.

Ce n’est pas tout :

1o Il n’y a pas d’espace absolu et nous ne concevons que des mouvements relatifs ; cependant on énonce le plus souvent les faits mécaniques comme s’il y avait un espace absolu auquel on pourrait les rapporter ;

2o Il n’y a pas de temps absolu ; dire que deux durées sont égales, c’est une assertion qui n’a par elle-même aucun sens et qui n’en peut acquérir un que par convention ;

3o Non seulement nous n’avons pas l’intuition directe de l’égalité de deux durées, mais nous n’avons même pas celle de la simultanéité de deux événements qui se produisent sur des théâtres différents ; c’est ce que j’ai expliqué dans un article intitulé la Mesure du temps[1] ;

4o Enfin notre géométrie euclidienne n’est elle-même qu’une sorte de convention de langage ; nous pourrions énoncer les faits mécaniques en les rapportant à un espace non euclidien qui serait un repère moins commode, mais tout aussi légi-

  1. Revue de Métaphysique et de Morale, t. VI, p. 1-13 (janvier 1898) ; voir aussi la Valeur de la Science, chapitre II