ne sais plus quel grec, Aristote ou un autre. Nous
savons aussi combien elle est souvent cruelle et
nous nous demandons si l’illusion n’est pas non
seulement plus consolante, mais plus fortifiante
aussi ; car c’est elle qui nous donne la confiance.
Quand elle aura disparu, l’espérance nous restera-t-elle et aurons-nous le courage d’agir ? C’est ainsi
que le cheval attelé à un manège refuserait certainement d’avancer si on ne prenait la précaution
de lui bander les yeux. Et puis, pour chercher la
vérité, il faut être indépendant, tout à fait indépendant. Si nous voulons agir, au contraire, si
nous voulons être forts, il faut que nous soyons
unis. Voilà pourquoi plusieurs d’entre nous s’effraient de la vérité ; ils la considèrent comme une
cause de faiblesse. Et pourtant il ne faut pas avoir
peur de la vérité parce qu’elle seule est belle.
Quand je parle ici de la vérité, sans doute je veux parler d’abord de la vérité scientifique ; mais je veux parler aussi de la vérité morale, dont ce qu’on appelle la justice n’est qu’un des aspects. Il semble que j’abuse des mots, que je réunis ainsi sous un même nom deux objets qui n’ont rien de commun ; que la vérité scientifique qui se démontre ne peut, à aucun titre, se rapprocher de la vérité morale qui se sent.