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LA VALEUR DE LA SCIENCE

pur qui oublierait l’existence du monde extérieur, serait semblable à un peintre qui saurait harmonieusement combiner les couleurs et les formes, mais à qui les modèles feraient défaut. Sa puissance créatrice serait bientôt tarie.

Les combinaisons que peuvent former les nombres et les symboles sont une multitude infinie. Dans cette multitude, comment choisirons-nous celles qui sont dignes de retenir notre attention ? Nous laisserons-nous uniquement guider par notre caprice ? Ce caprice, qui lui-même d’ailleurs ne tarderait pas à se lasser, nous entraînerait sans doute bien loin les uns des autres et nous cesserions promptement de nous entendre entre nous.

Mais ce n’est là que le petit côté de la question.

La physique nous empêchera sans doute de nous égarer, mais elle nous préservera aussi d’un danger bien plus redoutable ; elle nous empêchera de tourner sans cesse dans le même cercle.

L’histoire le prouve, la physique ne nous a pas seulement forcés de choisir entre les problèmes qui se présentaient en foule ; elle nous en a imposé auxquels nous n’aurions jamais songé sans elle.

Quelque variée que soit l’imagination de l’homme, la nature est mille fois plus riche encore. Pour la suivre, nous devons prendre des chemins que nous avions négligés et ces chemins