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LA VALEUR DE LA SCIENCE

sommes conduits à subdiviser notre second échelon, et au lieu de dire :

2. L’éclipse a eu lieu à neuf heures,

nous dirons :

2 a. L’éclipse a eu lieu quand mon horloge marquait neuf heures,

et 2 b. Ma pendule retardant de dix minutes, l’éclipse a eu lieu à neuf heures dix.

Et ce n’est pas tout : le premier échelon aussi doit être subdivisé, et ce n’est pas entre ces deux subdivisions que la distance sera la moins grande ; entre l’impression d’obscurité que ressent le témoin d’une éclipse, et l’affirmation ; il fait noir, que cette impression lui arrache, il est nécessaire de distinguer. En un sens c’est la première qui est le seul vrai fait brut, et la seconde est déjà une sorte de fait scientifique.

Voilà donc maintenant notre échelle qui a six échelons, et bien qu’il n’y ait aucune raison pour s’arrêter à ce chiffre, nous nous y tiendrons.

Ce qui me frappe d’abord c’est ceci. Au premier de nos six échelons, le fait, encore complètement brut, est pour ainsi dire individuel, il est complètement distinct de tous les autres faits possibles. Dès le second échelon, il n’en est déjà plus de même. L’énoncé du fait pourrait convenir à une infinité d’autres faits. Aussitôt qu’intervient le langage, je ne dispose plus que d’un nombre fini