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hypothèses cosmogoniques

dien. Le grand axe de l’ellipsoïde terrestre fera donc un certain angle avec la ligne TL qui joint les centres de gravité des deux astres[1]. Par conséquent, la résultante des attractions de la Lune sur les molécules terrestres ne passe pas par le centre de gravité T de la Terre, mais est appliquée à un certain point A : cette résultante a donc un moment par rapport au point T et tend, par suite, à ralentir le mouvement de rotation de la Terre.

De même, l’attraction de la Terre sur la Lune n’est pas dirigée suivant le rayon vecteur LT ; ce n’est plus rigoureusement une force centrale : elle a une petite composante tangentielle qui va troubler le mouvement orbital de la Lune. Cette composante tangentielle, dirigée dans le sens même du mouvement de la Lune sur son orbite produira évidemment un effet inverse de celui d’une résistance de milieu, cette dernière étant une force tangentielle dirigée à l’opposé du mouvement orbital de la Lune. Il y aura donc augmentation du grand axe de l’orbite lunaire et, conséquemment, diminution de la vitesse angulaire de révolution.

Cette augmentation du grand axe de l’orbite lunaire pouvait encore se prévoir autrement. L’effet de freinage des marées est de diminuer la vitesse angulaire de la Terre et par suite son moment de rotation. D’autre part, le moment de rotation total du système Terre-Lune doit rester constant. Donc le moment de rotation dû au mouvement orbital de la Lune doit augmenter, c’est-à-dire que la distance de la Lune à la Terre doit s’accroître.

Nous prévoyons donc dès maintenant et sans calculs que les deux principaux effets du frottement des marées sont la diminution de la rotation terrestre et l’augmentation corrélative de la distance de la Lune. En d’autres termes, la durée du jour augmentera, ainsi que celle du mois.

95.Pour expliquer l’accélération séculaire du moyen mouvement de la Lune dont la gravitation, comme on le sait, ne paraît pas rendre entièrement compte, Delaunay avait déjà proposé d’admettre une augmentation de la durée du jour sidéral, due précisément à l’action du frottement des marées sur le fond des océans. Dans cette hypothèse, l’accélération séculaire de la Lune ne serait pas réelle ; ce

  1. Ici, la Lune L est regardée, pour simplifier, comme un simple point matériel sans dimensions.