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hypothèse de sir g. h. darwin

elle prendra alors la seule forme possible, celle de la surface Σ voisine de l’ellipsoïde. Cette surface Σ (fig. 37) présente une figure piriforme, offrant comme un étranglement dans la région marquée 3, tandis que les régions 2 et 4 tendent à se renfler aux dépens des régions 1 et 3, comme si la masse cherchait à se diviser en deux masses inégales.

Il est difficile d’annoncer ce qui arrivera ensuite. On peut penser que la masse ira en se creusant de plus en plus dans la région 3 et finira par se partager en deux corps isolés.

La figure piriforme Σ, avons-nous dit, est peut-être stable ; mais il n’est pas certain qu’elle le soit réellement. Sir G. H. Darwin a trouvé que cette figure est stable, mais, d’après M. Liapounoff elle serait instable. Pour trancher la question il faudrait recommencer le calcul ; or, ce calcul est extrêmement pénible.

Si cette figure Σ est instable, la rupture, la séparation de la masse fluide en deux masses inégales, au lieu d’être progressive, se produirait d’un seul coup et brusquement.

138.Quelles conclusions pouvons-nous tirer, au point de vue cosmogonique, de la discussion précédente ? Il est impossible de voir là une origine, même approchée, des planètes : car les planètes n’ont qu’une masse insignifiante relativement à celle du Soleil. Mais Sir G. H. Darwin estime[1] que certains satellites ont pu su former de cette façon aux dépens du leur planète. Cela aurait pu arriver notamment pour le système Terre-Lune dans lequel les deux masses sont comparables, l’une n’étant pas une fraction extrêmement petite de l’autre. La Lune, s’étant ainsi détachée de la Terre, aurait décrit autour d’elle une orbite de très petit rayon ; mais, par suite du frottement des marées, ce rayon aurait été en augmentant, ainsi qu’il a été expliqué.

On pourrait concevoir de la même façon la formation de certaines étoiles doubles, dont les composantes ont des masses du même ordre de grandeur.

  1. Voir l’Adresse de Sir G. H. Darwin à M. H. Poincaré (Séance de la Société royale astronomique de Londres du 9 février 1900), traduite dans E. Lebon : Savants du jour : Henri Poincaré, Paris, Gauthier-Villars, 1909, p. 38-40.