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sur l’origine de la chaleur solaire et de la chaleur terrestre

dérable, sans que sa température moyenne, et surtout sa température superficielle, seule accessible à l’observation, se soient élevées à des chiffres non admissibles. Mais ce n’est pas là une solution du problème ; si nous admettons que cette provision est due à l’énergie de gravitation, elle se trouve toujours limitée par le calcul de Helmholtz et la difficulté reste entière.

154.Nous avons dit que, d’après Helmholtz et d’après Lord Kelvin, le Soleil n’aurait pas, dans le passé, une durée d’existence atteignant 50 millions d’années[1]. Cette conclusion est-elle acceptable ? La plupart des naturalistes l’ont rejetée absolument, au nom du transformisme, prétendant que l’évolution des espèces a dû exiger des centaines de millions d’années ; il est vrai que cet argument a perdu de sa valeur depuis la découverte, par M. De Vries, des phénomènes de mutation. Mais d’autres arguments, moins sujets à de semblables objections, sont tirés des faits géologiques. L’épaisseur des couches déposées depuis que la vie existe à la surface de la Terre (et il est bien difficile d’admettre que la vie ait pu exister sans Soleil) exige, paraît-il, beaucoup plus de 50 millions d’années. L’examen des chaînes de montagnes des temps géologiques entièrement détruites par l’érosion conduit à la même conclusion : on a calculé que, pour raser complètement les Alpes, l’érosion aurait besoin de 27 millions d’années. Or, depuis les temps dévoniens où la vie était déjà ancienne, nous voyons surgir une chaîne pareille aux Alpes, la chaîne calédonienne, puis les phénomènes d’érosion la détruisant ; ensuite la chaîne hercynienne s’élève à son tour et est rasée par l’érosion, puis vient le calme des temps secondaires, et enfin la période tertiaire où se sont formées les Alpes. Les géologues sont donc très à l’étroit avec 50 millions d’années, et ils réclament un temps beaucoup plus long. La difficulté est d’autant plus fâcheuse que Lord Kelvin a calculé aussi combien de temps il a fallu à la Terre elle-même pour se refroidir, et qu’il est arrivé à un chiffre du même ordre que pour l’âge du Soleil.

II. — Chaleur terrestre.

155.Exposons les calculs de Lord Kelvin sur le refroidissement de la Terre. Reprenant une hypothèse faite antérieurement par

  1. Nous verrons un peu plus loin (no 163) que la découverte des phénomènes radioactifs fait entrevoir le possibilité d’augmenter de beaucoup cette durée.