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hypothèses cosmogoniques

nétaire, en supposant que l’espace, actuellement vide, ne l’a pas toujours été. Il admet qu’à l’origine la matière qui compose les astres était répandue dans tout l’espace, où elle formait une sorte de chaos nébulaire uniforme dont les particules s’attiraient mutuellement suivant la loi de Newton. Cet état d’uniformité serait instable, tout centre de condensation, si petit qu’il soit, devenant immédiatement centre d’attraction.

Donc, d’après Kant, l’uniformité doit engendrer la diversité, l’homogène doit produire l’hétérogène ; — c’est là un point que nous étudierons et discuterons plus loin en détail[1] — disons seulement dès maintenant qu’Emmanuel Kant n’est pas en contradiction, malgré les apparences, avec le second principe de la Thermodynamique, qu’on énonce parfois de cette façon un peu vague : l’état final des systèmes est l’homogénéité.

C’est un peu plus loin que Kant se met en opposition absolue avec les principes de la Mécanique :

« Admettons donc, dit-il, qu’à l’origine la matière du Soleil et des planètes ait été répandue dans tout cet espace, et qu’il se soit trouvé quelque part, là où le Soleil s’est effectivement formé, une légère prépondérance de densité et par suite d’attraction. Aussitôt une tendance générale s’est prononcée vers ce point, les matériaux y ont afflué et, peu à peu, cette masse première a grandi. Bien que des matériaux de densités différentes se trouvassent partout, cependant les plus lourds ont dû particulièrement se presser dans cette région centrale ; car, seuls, ils ont réussi à pénétrer à travers ce chaos de matériaux plus légers, et à s’approcher du centre de la gravitation générale. Or, dans les mouvements qui devaient résulter de la chute inégale de ces corps, les résistances produites entre les particules se gênant les unes les autres n’ont pu être si parfaitement les mêmes en tout sens, qu’il n’en soit résulté, çà et là, des déviations latérales. En pareil cas s’applique une loi générale des réactions mutuelles des corps, à savoir que ces corps se détournent et tâtonnent, pour ainsi dire, jusqu’à ce qu’ils aient trouvé le chemin de la moindre résistance. Ces déviations latérales aboutissent donc forcément à une circulation commune, dans le même sens et dans la même région. Et même les particules dont le

  1. Au Chapitre V, à l’occasion de l’hypothèse de M. du Ligondès.