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vii
préface

uniforme ; elle ne pouvait être homogène, elle était condensée et même fortement condensée vers le centre ; elle était formée d’un noyau relativement dense qui est devenu le Soleil, entouré d’une atmosphère d’une ténuité extrême qui a donné naissance aux planètes. Elle se contractait par refroidissement, abandonnant de temps en temps à l’équateur des anneaux nébuleux ; ces anneaux étaient instables ou le devenaient promptement ; ils devaient donc se rompre et finalement se rassembler en une seule masse sphéroïdale.

Au moment où le système commence à se former, il y règne déjà un commencement d’ordre ; les mouvements internes de la nébuleuse ne sont pas capricieux et désordonnés ; ils se ramènent à une rotation uniforme ; c’est cette harmonie initiale qui a produit l’harmonie finale que nous admirons, mais cette harmonie initiale est aisée à expliquer. Les frottements internes de la masse ont dû promptement détruire les irrégularités de ses mouvements intestins et ne laisser subsister qu’une rotation d’ensemble parfaitement régulière. Promptement ? Cela dépend du sens que l’on attache à ce mot ; les inégalités disparaîtront promptement si l’on regarde quelques milliards d’années comme un délai très court. Quand on veut faire le calcul en attribuant à la matière de la nébuleuse la viscosité des gaz que nous connaissons, on arrive à des chiffres fantastiques. Et ce n’est pas tout : le refroidissement même et la contraction qui en résulte tendent à troubler cette harmonie si lentement conquise, et, pour qu’elle se conserve, il faut que cette contraction et l’évolution entière du système soient aussi prodigieusement lentes. D’autant plus que l’on a établi qu’il faut des centaines de millions d’années pour que les diverses parties d’un même anneau, en se mouvant séparément suivant les lois de Képler, finissent par se choquer et se coller les unes aux autres ; phénomène qui ne doit être regardé pourtant que comme un court épisode dans l’évolution générale. Ces chiffres ne doivent pas nous effrayer : ils sont en désaccord avec l’âge que d’autres théories attribuent au Soleil et aux étoiles ; mais ces théories soulèvent de leur côté de grandes difficultés. Une réflexion toutefois s’impose : d’autres systèmes semblables au nôtre devaient subir en même