Page:Poincaré - Science et méthode (Édition définitive).djvu/122

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

c’est parce que le monde réel subsiste à côté de son image déformée ; et alors même que ce monde réel nous serait caché, il y a quelque chose que l’on ne saurait nous cacher, c’est nous-même ; nous ne pouvons cesser de voir, ou tout au moins de sentir, notre corps et nos membres qui n’ont pas été déformés et qui continuent à nous servir d’instruments de mesure. Mais si nous imaginons que notre corps soit déformé lui-même, et de la même façon que s’il était vu dans le miroir, ces instruments de mesure à leur tour nous feront défaut et la déformation ne pourra plus être constatée.

Voici de même deux univers qui sont l’image l’un de l’autre ; à chaque objet P de l’univers A correspond dans l’univers B un objet P’ qui est son image ; les coordonnées de cette image P’ sont des fonctions déterminées de celles de l’objet P ; ces fonctions peuvent d’ailleurs être tout à fait quelconques ; je suppose seulement qu’on les ait choisies une fois pour toutes. Entre la position de P et celle de P’, il y a une relation constante ; quelle est cette relation, peu importe ; il suffit qu’elle soit constante.

Eh bien, ces deux univers seront indiscernables l’un de l’autre. Je veux dire que le premier sera pour ses habitants ce que le second est pour les siens. Et il en serait ainsi tant que les deux univers resteraient étrangers l’un à l’autre. Supposons que nous habitions l’univers A, nous aurons construit notre science et en particulier notre géométrie : pendant