Page:Poincaré - Science et méthode (Édition définitive).djvu/146

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refusent à comprendre les mathématiques ? N’y a-t-il pas là quelque chose de paradoxal ? Comment, voir une science qui ne fait appel qu’aux principes fondamentaux de la logique, au principe de contradiction, par exemple, à ce qui fait pour ainsi dire le squelette de notre entendement, à ce qu’on ne saurait dépouiller sans cesser de penser, et il y a des gens qui la trouvent obscure ! et même ils sont en majorité ! Qu’ils soient incapables d’inventer, passe encore, mais qu’ils ne comprennent pas les démonstrations qu’on leur expose, qu’ils restent aveugles quand nous leur présentons une lumière qui nous semble briller d’un pur éclat, c’est ce qui est tout à fait prodigieux.

Et pourtant il ne faut pas avoir une grande expérience des examens pour savoir que ces aveugles ne sont nullement des êtres d’exception. Il y a là un problème qu’il n’est pas aisé de résoudre, mais qui doit préoccuper tous ceux qui veulent se vouer à l’enseignement.

Qu’est-ce que comprendre ? Ce mot a-t-il le même sens pour tout le monde ? Comprendre la démonstration d’un théorème, est-ce examiner successivement chacun des syllogismes dont elle se compose et constater qu’il est correct, conforme aux règles du jeu ? De même comprendre une définition, est-ce seulement reconnaître qu’on sait déjà le sens de tous les termes employés et constater qu’elle n’implique aucune contradiction ?