Page:Poincaré - Science et méthode (Édition définitive).djvu/147

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Oui, pour quelques-uns ; quand ils auront fait cette constatation, ils diront : j’ai compris. Non, pour le plus grand nombre. Presque tous sont beaucoup plus exigeants, ils veulent savoir non seulement si tous les syllogismes d’une démonstration sont corrects, mais pourquoi ils s’enchaînent dans tel ordre, plutôt que dans tel autre. Tant qu’ils leur semblent engendrés par le caprice, et non par une intelligence constamment consciente du but à atteindre, ils ne croient pas avoir compris.

Sans doute ils ne se rendent pas bien compte eux-mêmes de ce qu’ils réclament et ils ne sauraient formuler leur désir, mais s’ils n’ont pas satisfaction, ils sentent vaguement que quelque chose leur manque. Alors qu’arrive-t-il ? Au début, ils aperçoivent encore les évidences qu’on met sous leurs yeux ; mais comme elles ne sont liées que par un fil trop ténu à celles qui précédent et à celles qui suivent, elles passent sans laisser de trace dans leur cerveau ; elles sont tout de suite oubliées ; un instant éclairées, elles retombent aussitôt dans une nuit éternelle. Quand ils seront plus avancés, ils ne verront plus même cette lumière éphémère, parce que les théorèmes s’appuient les uns sur les autres et que ceux dont ils auraient besoin sont oubliés ; c’est ainsi qu’ils deviennent incapables de comprendre les mathématiques.

Ce n’est pas toujours la faute de leur professeur ; souvent leur intelligence, qui a besoin d’apercevoir