Page:Poincaré - Science et méthode (Édition définitive).djvu/150

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naître une image, et celles où l’on se borne à combiner des formes vides, parfaitement intelligibles, mais purement intelligibles, que l’abstraction a privées de toute matière.

Je ne sais s’il est bien nécessaire de citer des exemples ? Citons-en pourtant, et d’abord la définition des fractions va nous fournir un exemple extrême. Dans les écoles primaires, pour définir une fraction, on découpe une pomme ou une tarte ; on la découpe par la pensée bien entendu et non en réalité, car je ne suppose pas que le budget de l’enseignement primaire permette une pareille prodigalité. A l’École normale supérieure, au contraire, ou dans les Facultés, on dira : une fraction, c’est l’ensemble de deux nombres entiers séparés par un trait horizontal ; on définira par des conventions les opérations que peuvent subir ces symboles ; on démontrera que les règles de ces opérations sont les mêmes que dans le calcul des nombres entiers, et on constatera enfin qu’en faisant, d’après ces règles, la multiplication de la fraction par le dénominateur, on retrouve le numérateur. C’est très bien parce qu’on s’adresse à des jeunes gens, depuis longtemps familiarisés avec la notion des fractions à force d’avoir partagé des pommes ou d’autres objets, et dont l’esprit, affiné par une forte éducation mathématique, en est arrivé peu à peu à désirer une définition purement logique. Mais quel serait l’ahurissement d’un débutant à qui on voudrait la servir ?