rapidement mais sans brûler d’étape. À ce compte, l’histoire de la science doit être notre premier guide.
Nos pères croyaient savoir ce que c’est qu’une fraction, ou que la continuité, ou que l’aire d’une surface courbe ; c’est nous qui nous sommes aperçus qu’ils ne le savaient pas. De même nos élèves croient le savoir quand ils commencent à étudier sérieusement les mathématiques. Si, sans autre préparation, je viens leur dire : « Non, vous ne le savez pas ; ce que vous croyez comprendre, vous ne le comprenez pas ; il faut que je vous démontre ce qui vous semble évident », et si dans la démonstration je m’appuie sur des prémisses qui leur semblent moins évidentes que la conclusion, que penseront ces malheureux ? Ils penseront que la science mathématique n’est qu’un entassement arbitraire de subtilités inutiles ; ou bien ils s’en dégoûteront ; ou bien ils s’en amuseront comme d’un jeu et ils arriveront à un état d’esprit analogue à celui des sophistes grecs.
Plus tard, au contraire, quand l’esprit de l’élève, familiarisé avec le raisonnement mathématique, se sera mûri par cette longue fréquentation, les doutes naîtront d’eux-mêmes et alors votre démonstration sera la bienvenue. Elle en éveillera de nouveaux, et les questions se poseront successivement à l’enfant, comme elles se sont posées successivement à nos pères, jusqu’à ce que la rigueur parfaite puisse seule