Page:Poincaré - Science et méthode (Édition définitive).djvu/48

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ils ont inventé le mot d’énergie, et ce mot a été prodigieusement fécond, parce que lui aussi créait la loi en éliminant les exceptions, parce qu’il donnait le même nom à des choses différentes par la matière et semblables par la forme.

Parmi les mots qui ont exercé la plus heureuse influence, je signalerai ceux de groupe et d’invariant. Ils nous ont fait apercevoir l’essence de bien des raisonnements mathématiques ; ils nous ont montré dans combien de cas les anciens mathématiciens considéraient des groupes sans le savoir, et comment, se croyant bien éloignés les uns des autres, ils se trouvaient tout à coup rapprochés sans comprendre pourquoi.

Nous dirions aujourd’hui qu’ils avaient envisagé des groupes isomorphes. Nous savons maintenant que, dans un groupe, la matière nous intéresse peu, que c’est la forme seule qui importe, et que, quand on connaît bien un groupe, on connaît par cela même tous les groupes isomorphes ; grâce à ces mots de groupes et d’isomorphisme, qui résument en quelques syllabes cette règle subtile et la rendent promptement familière à tous les esprits, le passage est immédiat et peut se faire en économisant tout effort de pensée. L’idée de groupe se rattache d’ailleurs à celle de transformation. Pourquoi attache-t-on tant de prix à l’invention d’une transformation nouvelle ? Parce que, d’un seul théorème, elle nous permet d’en tirer dix ou vingt ; elle a la