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Page:Poincaré - Science et méthode (Édition définitive).djvu/49

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même valeur qu’un zéro ajouté à la droite d’un nombre entier.

Voilà ce qui a déterminé jusqu’ici le sens du mouvement de la science mathématique, et c’est aussi bien certainement ce qui le déterminera dans l’avenir. Mais la nature des problèmes qui se posent y contribue également. Nous ne pouvons oublier quel doit être notre but ; selon moi, ce but est double : notre science confine à la fois à la Philosophie et à la Physique, et c’est pour nos deux voisines que nous travaillons ; aussi nous avons toujours vu et nous verrons encore les mathématiciens marcher dans deux directions opposées.

D’une part, la science mathématique doit réfléchir sur elle-même, et cela est utile, parce que réfléchir sur elle-même, c’est réfléchir sur l’esprit humain qui l’a créée, d’autant plus que c’est celle de ses créations pour laquelle il a fait le moins d’emprunts au dehors. C’est pourquoi certaines spéculations mathématiques sont utiles, comme celles qui visent l’étude des postulats, des géométries inaccoutumées, des fonctions à allures étranges. Plus ces spéculations s’écarteront des conceptions les plus communes, et par conséquent de la Nature et des applications, mieux elles nous montreront ce que l’esprit humain peut faire, quand il se soustrait de plus en plus à la tyrannie du monde extérieur, mieux, par conséquent, elles nous le feront connaître en lui-même.