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Page:Poincaré - Science et méthode (Édition définitive).djvu/78

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une observation qui pourrait la confirmer : Quand une illumination subite envahit l’esprit du mathématicien, il, arrive le plus souvent qu’elle ne le trompe pas ; mais il arrive aussi quelquefois, je l’ai dit, qu’elle ne supporte pas l’épreuve d’une vérification ; eh bien, on remarque presque toujours que cette idée fausse, si elle avait été juste, aurait flatté, notre instinct naturel de l’élégance mathématique.

Ainsi c’est cette sensibilité esthétique spéciale qui joue le rôle du crible délicat dont je parlais plus haut, et cela fait comprendre assez pourquoi celui qui en est dépourvu ne sera jamais un véritable inventeur.

Toutes les difficultés n’ont pas disparu cependant ; le moi conscient est étroitement borné ; quant au moi subliminal, nous n’en connaissons pas les limites, et c’est pourquoi nous ne répugnons pas trop à supposer qu’il a pu former en peu de temps plus de combinaisons diverses que la vie entière d’un être conscient ne pourrait en embrasser. Ces limites existent cependant ; est-il vraisemblable qu’il puisse former toutes les combinaisons possibles, dont le nombre effrayerait l’imagination ; cela semblerait nécessaire néanmoins, car, s’il ne produit qu’une petite partie de ces combinaisons, et s’il le fait au hasard, il y aura bien peu de chances pour que la bonne, celle qu’on doit choisir, se trouve parmi elles.