Page:Poincaré - Science et méthode (Édition définitive).djvu/79

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Peut-être faut-il chercher l’explication dans cette période de travail conscient préliminaire qui précède toujours tout travail inconscient fructueux. Qu’on me permette une comparaison grossière. Représentons-nous les éléments futurs de nos combinaisons comme quelque chose de semblable aux atomes crochus d’Épicure. Pendant le repos complet de l’esprit, ces atomes sont immobiles, ils sont pour ainsi dire accrochés au mur : ce repos complet peut donc se prolonger indéfiniment sans que ces atomes se rencontrent, et, par conséquent, sans qu’aucune combinaison puisse se produire entre eux.

Au contraire, pendant une période de repos apparent et de travail inconscient, quelques-uns d’entre eux sont détachés du mur et mis en mouvement. Ils sillonnent dans tous les sens l’espace, j’allais dire la pièce où ils sont enfermés, comme pourrait le faire, par exemple, une nuée de moucherons, ou, si vous préférez une comparaison plus savante, comme le font les molécules gazeuses dans la théorie cinétique des gaz. Leurs chocs mutuels peuvent alors produire des combinaisons nouvelles.

Quel va être le rôle du travail conscient préliminaire ? C’est évidemment de mobiliser quelques-uns de ces atomes, de les décrocher du mur et de les mettre en branle. On croit qu’on n’a rien fait de bon parce qu’on a remué ces éléments de mille façons diverses pour chercher à les assembler et