Page:Poincaré - Sciences et Humanités, 1911.djvu/32

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sujet que je traite. Je cherche comment il faut faire pour former des savants.

Et alors, cela est bien clair. Le savant ne doit pas s’attarder à réaliser des fins pratiques ; il les obtiendra sans doute, mais il faut qu’il les obtienne par surcroît. Il ne doit jamais oublier que l’objet spécial qu’il étudie n’est qu’une partie d’un grand tout qui le déborde infiniment, et c’est l’amour et la curiosité de ce grand tout qui doit être l’unique ressort de son activité. La science a eu de merveilleuses applications ; mais la science qui n’aurait en vue que les applications ne serait plus la science, elle ne serait plus que la cuisine. Il n’y a pas d’autre science que la science désintéressée.

Il faut monter plus haut, et toujours plus haut pour voir toujours plus loin et sans trop s’attarder en route. Le véritable alpiniste considère toujours le sommet qu’il vient de gravir comme un marchepied qui doit le conduire à un sommet plus élevé. Il faut que le savant ait le pied montagnard, et surtout qu’il ait le cœur montagnard. Voilà quel est l’esprit qui doit l’animer. Cet esprit c’est celui qui soufflait autrefois sur la Grèce et qui y faisait naître les poètes et les penseurs. Il