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Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/102

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une imprudence

moins par l’expression à la fois dépitée et railleuse qui couvrait ses traits, tandis qu’elle considérait le Bois-Brûlé qui, sans se douter de rien, marchait à dix pas devant elle.

C’était une belle fille de dix-sept ans tout au plus, grande et bien formée, un peu pâle comme beaucoup de femmes Métisses, mais d’une pâleur relevée par l’éclat de ses yeux noirs et le brillant de sa chevelure sombre soigneusement séparée au milieu de la tête en deux longues tresses tombantes. Comme elle marchait assez vite, elle ne tarda pas à rattraper le jeune homme, et celui-ci, s’apercevant qu’une femme le suivait, prit rapidement de l’avance, pour ne pas déroger à l’usage des Métis canadiens qui n’admet pas qu’un homme se laisse dépasser par une personne de l’autre sexe.

Toutefois, au moment de franchir le seuil de son logis, il se détourna et crut reconnaître dans la nuit tombante la silhouette gracieuse de Rosalie Guérin.

C’était bien Rosalie Guérin, en effet, qui le suivait, cette Rosalie Guérin pour qui l’aîné des La Ronde éprouvait un vif sentiment si fortuitement découvert par le guide Joseph Lacroix… Et cette jeune fille de dix-sept ans, qui était descendue une heure auparavant à la rivière, des chansons aux lèvres, regagnait maintenant son logis, mordue au cœur par la jalousie…

Depuis longtemps, elle avait remarqué Jean La Ronde. Bien des fois elle l’avait rencontré dans ces bals que les Métis, grands amateurs de musique et de danse, organisent sous le moindre pré-