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Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/159

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les arpents de neige

pâli, il parla de la rencontre des éclaireurs et dut approuver et désapprouver pour la forme diverses suppositions émises par ceux qui l’écoutaient. Et ce ne fut que lorsqu’il n’eut plus rien à apprendre aux autres que, d’un air négligent, il s’approcha du sac à feu…

Une angoisse inexprimable lui étreignait la poitrine. Il lui semblait que son cœur lui sautait jusque dans la gorge… Sans se presser pourtant, avec des mouvements mesurés, il se baissa pour prendre l’objet de cuir.

Ignorants de ses manœuvres, les autres, plus loin, conversaient entre eux…

Alors, d’une main fébrile, il fit glisser la boucle et, avidement, il enfonça la main.

Quand il sentit le papier moelleux se froisser sous ses doigts, une sueur froide lui perla aux tempes… Il se raidit et saisit la lettre… D’un geste prompt, il la roula dans sa ceinture. Personne ne l’avait vu…

Il revint…

Deux minutes après, sous un prétexte quelconque, il sortit.

La porte était à peine refermée que, saisissant à nouveau le papier fatal, il le déplia avec des doigts fiévreux et tremblants.

Et, à cette lecture, sous les yeux de son fils aîné brillants d’un sombre triomphe, ce rude coureur des plaines, qui avait vu la mort vingt fois face à face sans faiblir, se sentit défaillir comme femme, et il lui fallut s’appuyer au mur de sa maison pour ne pas choir.