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Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/158

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soupçons et révélations

blanchie par le courroux, son fils aîné lui répondit dans un rictus sinistre :

Ah ! je mens ! tu dis que je mens ! tu veux des preuves ! Eh ben ! rentre à la maison, fouille dans le sac à feu du cadet… Tu trouveras une lettre… Lis-la… et tu verras après si ce sont des menteries que je te débite.

— J’y vas… j’y cours… Mais, si tu ne m’as pas dit vrai, ah ! malheur !

Et, brandissant le poing dans un geste où le désespoir se mêlait à la menace, le Bois-Brûlé s’éloigna à grands pas.

Quand il rentra dans la pièce où se tenaient toujours ceux qu’il avait quittés une demi-heure auparavant, il était encore pâle, mais plus calme. Ce ne fut pourtant que grâce à un grand effort de volonté qu’il arriva à se maîtriser assez pour répondre d’une façon naturelle aux questions dont on l’assiégea : car, persuadés, pour la plupart, de la culpabilité de Pitre-le-Loucheux, les assistants ne tarirent pas de réflexions d’autant plus douloureuses pour lui qu’elles atteignaient, en réalité, Pierre, le vrai meurtrier… De temps à autre, tout en parlant, ses yeux, presque malgré lui, s’échappaient vers un objet jeté sur une escabelle, le long du mur : le sac à feu du blessé, ce sac à feu qui, dans ses flancs de peau tannée garnie de rassades, contenait peut-être la preuve de la trahison de Jean… Sa trahison ! Était-ce possible ?… Mais, de toute sa forte volonté, il repoussait ces pensées, afin de pouvoir répondre comme il le devait aux interrogations dont il était assailli.

L’âme en déroute, mais le front calme, à peine