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Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/161

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les arpents de neige

pommettes saillantes, son teint basané. Son accoutrement n’était pas pour contrarier cette impression : des leggings et des mocassins, un veston en peau blanchâtre orné de rassades et de fourrures et recouvrant une grosse chemise de laine…

Tel il se présentait le surlendemain de Fish-Creek lorsque, passant devant une sorte de hangar abandonné, il vit surgir de derrière un tas de paille un homme aux allures étranges, poussiéreux, hirsute, et qui tenait une gourde à la main.

Cette tête chevelue et forte sur un corps maigre, cette face osseuse aux yeux noirs et bigles, ne pouvaient laisser Dumont indécis. Il reconnut Pitre-le-Loucheux.

— Le « pouriou » est saoûl à ne plus tenir sur ses jambes ! murmura Dumont avec mécontentement. Mais, qui donc peut avoir eu l’audace d’enfreindre les ordres formels de Louis Riel en procurant de l’eau forte à un sauvage… ? Parbleu ! je le saurai.

Comme il approchait, il vit les lèvres du Cri se distendre dans un large rire qui laissait apercevoir ses dents serrées et blanches comme celles d’un carnassier :

— Ah ! ah ! bonne… bien bonne l’eau de feu… Le Sang-Mêlé en donnera-t-il d’autre à l’homme rouge ?

Et, ce disant, il secouait par le fond sa gourde vide.

Le Bois-Brûlé s’arrêta, et, fixant sur le Peau-Rouge ses yeux perçants :

— Peut-être. Mais que mon frère réponde d’abord à une question.