Aller au contenu

Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/177

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
162
les arpents de neige

sita pas : un sifflement particulier, à la fois très doux et très prolongé, s’échappa de ses lèvres. Presque aussitôt, le poney, admirablement dressé, faisait un brusque demi-tour et, malgré les efforts de son cavalier, regagnait son point de départ. Toutefois, quand il rejoignit son maître, la selle était vide, le Loucheux n’ayant pas attendu ce moment pour sauter à terre et demander à ses propres jambes un salut qu’il ne pouvait plus espérer d’une monture. Quelle que fût son agilité, il n’alla pas loin : des Métis, attirés par le bruit, se mirent en travers de son chemin et, un instant après, il se retrouvait entre les mains de Trim et de Dumont.

— L’homme rouge est rapide comme un « wapiti », observa le chef Métis lorsque le prisonnier eut réintégré le « log-hut », mais il ne saurait échapper à la justice des Sangs-Mêlés… S’il répond franchement à nos questions, peut-être lui saura-t-on gré de sa franchise.

L’infortuné Loucheux s’était affalé le long de la muraille sans dire un mot. Qu’il fût victime des sorcelleries de Trim, cela ne faisait plus pour lui l’ombre d’un doute. Il était résigné à son sort, sentant bien qu’il n’échapperait pas désormais à la vengeance du terrible enchanteur.

— S’il у avait encore eu un doute sur la culpabilité de cet homme, observa le vieux Métis, il serait dissipé après cette tentative de fuite.

Pierre était trop près du sang indien pour éprouver un sentiment de pitié véritable devant cet homme déjà condamné une fois par son silence et qu’il venait de livrer à nouveau. Pourtant, les