Aller au contenu

Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/207

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
192
les arpents de neige

— C’est la vérité, grand chef. Mais, laissez-moi… Je vais vous expliquer… tout vous expliquer.

Il y eut un silence durant lequel s’entendirent au dehors les cris incisifs et joyeux des hirondelles qui se poursuivaient dans le ciel.

— Nos oreilles sont toujours ouvertes, dit enfin Dumont avec une nuance d’impatience.

Alors, d’une voix fiévreuse, par saccades, avec, parfois, des arrêts comme si la respiration lui manquait brusquement, Jean raconta comment il avait connu miss Clamorgan et comment il s’était laissé aller, sous son influence, aux imprudences qu’il payait maintenant si cher. Il n’omit rien des circonstances de sa faute et narra jusque dans les moindres détails son expédition nocturne à Clark’s Crossing, et la façon dont il était parvenu à remettre la lettre de l’Anglaise à l’officier canadien. Il ajouta, pour sa décharge, qu’il n’avait agi ainsi que sûr de la loyauté de cette femme ; elle avait profité de sa faiblesse assurément, mais dans un but si excusable ! Celui de rassurer son frère sur son sort et le sort de leur père…

Épuisé, il s’arrêta…

— J’ai soif, dit-il ; ma gorge est sèche !

— Pierre ! commanda Jean-Baptiste, va donc lui chercher une gourde d’eau.

Pierre obéit sans empressement.

Pendant ce temps, Dumont réfléchissait. Il n’y avait plus de doute : ce garçon était innocent du crime de trahison. Son récit corroborait les suppositions du subtil Loucheux : c’était bien cette prisonnière, cette « fille aux cheveux d’or », dont lui avait parlé l’Indien, qui était la cause de tout le