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Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/208

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l’entrevue

mal ; Jean La Ronde n’avait été qu’un instrument entre ses mains ; son honnêteté, sa bonne foi, étaient hors de cause ; seules, sa grande jeunesse et la séduction de cette femme l’avaient induit en erreur.

Alors, à quoi bon insister désormais ? Le chef avait, dans sa ceinture, la lettre de l’Anglaise dérobée par Pierre. Il l’avait apportée pour s’en servir au cas improbable où Jean, coupable, eût nié son crime : il lui eût mis alors sous les yeux la preuve palpable de sa trahison. Mais, maintenant, elle était inutile, cette lettre où, d’ailleurs, aucune allusion au jeune La Ronde n’était faite… En la montrant, il n’eût que dévoilé au cadet le rôle joué par l’aîné dans cette affaire. Le pauvre garçon était déjà assez affligé. Fallait-il le désespérer davantage ?

Durant quelque temps, Jean parla encore, la face toute blanche dans l’ombre qui, déjà, noyait la salle. Lorsqu’il eut achevé sa confession, Dumont demanda simplement :

— Pourrais-tu nous jurer sur ceci la vérité de ce que tu viens de nous avouer ?

Vivement, Jean La Ronde avança la main vers une image pieuse collée à la muraille :

— Je le jure sur la croix ! dit-il avec solennité.

Le chef serra cette main étendue.

— Nous te croyons, Jean La Ronde… Mais nous jureras-tu aussi sur le Sauveur que tu ne chercheras jamais à revoir cette fille anglaise ?

Jean crut soudain que tout tournait autour de lui. Pourtant, il leva la main. Elle lui semblait de plomb :

— Je jure, balbutia-t-il avec effort.