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Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/223

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les arpents de neige

ses hommes, Edward Simpson, tout en marchant, songeait à sa fiancée, qu’il allait bientôt revoir, si, du moins, une méchante balle ne l’arrêtait net en route, « ce qui serait vraiment pénible, pensait-il, alors que tout s’annonçait si bien ». Mais il écartait le plus possible cette fâcheuse pensée et voulait croire que, s’il était atteint, le projectile aurait, du moins, le bon goût de ne pas lui occasionner de désagréments plus grands qu’à son ami Charlie Went. La blessure que ce dernier avait reçue au mollet était, en effet, à peu près guérie, et la seule précaution qu’il eût à prendre désormais était de ne pas la fatiguer. La conséquence de cette recommandation chirurgicale avait été l’embarquement de Charlie sur le Northcote, ce qui, tout en lui évitant les efforts de la marche, lui permettait de prendre part à la campagne.

À 8 heures, la colonne se trouvait à un mille à peine de Batoche, lorsqu’une série de détonations éclata, sur sa gauche, en bas, le long de la rivière.

— Tiens ! fit Edward, c’est le Northcote qui ouvre le bal !

— Ou plutôt les demi-blancs, sir, répondit un vieux sergent sec et long aux énormes moustaches rousses et tombantes.

— C’est vrai : car le vapeur n’est pas encore à hauteur du village… ce sont ces diables de papistes qui auront posté des tirailleurs sur les berges, à hauteur du gué… Tenez ! voici le Northcote qui leur répond !

Le bruit sourd du canon commençait, en effet, à ébranler tous les échos des bords de la Saskat-