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Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/241

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les arpents de neige

— Depuis deux heures qu’y marche comme ça des uns ès autres ! s’exclama le vieux François avec admiration. Faut que le bon Dieu le protège, tout de même !

— Sûr ! affirmèrent avec conviction cinq ou six Métis.

— Bonjour, frères ! dit le chef en s’approchant. Est-ce que tout va ici suivant vos désirs ?

Debout sur le bord de la tranchée, Louis Riel souriait à ses hommes, tandis que, sur la lisière, redoublaient les crépitements de la poudre.

Le Français ne put s’empêcher de lui exprimer ses craintes pour cette bravoure vraiment téméraire.

Mais le Bois-Brûlé, les yeux brillants, la face illuminée, repartit vivement :

— Je ne crains rien, Monsieur de Vallonges, tant que ma mission ne sera pas terminée… Car Dieu est avec moi. C’est poussé par sa volonté sainte que j’ai quitté le Montana, l’an dernier, au mois de juin, pour me mettre à la tête de mes frères du Nord-Ouest… Il ne m’abandonnera pas… Il ne peut pas m’abandonner tant que je serai utile à la cause de ma patrie et de mon peuple…

Dans un respectueux silence, tous les Métis écoutaient leur chef, l’homme que le ciel leur avait envoyé pour défendre leurs libertés menacées.

— Ils mènent un fameux tapage, là-bas ! reprit Riel, ramené par une fusillade soudain plus nourrie, à la réalité immédiate. Est-ce qu’ils voudraient tenter un nouvel assaut ?

— Mauvaise affaire, déclara François, car les cartouches diminuent joliment.